LISA DIAZ est auteure et réalisatrice nantaise. Après avoir réalisé plusieurs courts métrages et documentaires, elle écrit en ce moment son premier long métrage de fiction, été 81. Cet été se passe en Ardèche où Lisa a grandi. Pour donner vie à son héroïne – une enfant de 11 ans – Lisa s’inspire de son enfance, de l’histoire de ses parents et de leur désir de s’inventer une vie à la hauteur de leurs utopies.
Lisa Diaz grandit en Ardèche . Ses parents sont d’ex-parisiens, ex-soixante-huitards, néo-ruraux. Leur vie ne se consommera pas. Elle s’inventera. De ses années parisiennes, son père a gardé son goût pour la cinéphilie et collectionne les films sur des VHS. Tandis qu’il bricole un film avec ses copains, Lisa avale les films de Woody Allen, de Fellini, de Hitchcock, de Pialat et de tant d’autres, répertoriés sur l’étagère par ordre alphabétique. Lisa aime passionnément le cinéma, mais ne songe pas à en faire une profession. Après le lycée, il y a Henri IV, une maîtrise de lettres classiques puis le CAPES… Et le premier plateau de cinéma qu’elle découvre parce qu’elle aide une amie à réaliser son court métrage. Lisa s’improvise scripte et découvre que le cinéma, ça peut-être un métier. Une fulgurance. Une intuition. Il en résulte deux appels téléphoniques. L’un pour démissionner de l’éducation nationale avant même sa première rentrée. L’autre, pour accepter d’être scripte sur un long métrage. C’est ainsi que tout commence… Puis, de concours de scénario en résidences d’auteur, Lisa devient auteure et réalisatrice de court métrages et de documentaires. Elle écrit aujourd’hui son premier scénario de long métrage de fiction, été 81. D’un « film bricolé » à Ce qu’il reste à finir puis été 81, un chemin se trace.
Zara Popovici (chef opératrice) et Lisa Diaz sur le tournage de tata meu è super erou
Revenons aux débuts… Entouré de sa bande de copains, son père tourne un film. Lisa a 4 ans et découvre que le cinéma, c’est une aventure collective. Le film n’est jamais monté. Lisa a raconté l’histoire de ce film inachevé dans son documentaire Ce qu’il reste à finir. On la voit former son père au montage, interroger ses copains sur cette époque de leur vie, et même réaliser avec eux une scène manquante. Pourquoi n’ont-ils pas terminé ? Ils n’étaient pas « réalisateurs », ce qu’ils voulaient, c’était seulement faire quelque chose ensemble. A l’image de leur utopie : ce qui compte, dit son père à la fin du film, c’est le mouvement vers une utopie, bouger vers ça, en sachant très bien qu’il n’y aura pas de fin.
Été 81, c’est l’histoire du dernier été d’une fillette dans l’enfance, l’été de son passage à l’adolescence. L’enfant grandit entourée d’adultes qui tentent d’inventer une manière de vivre différente, en retrait de l’agitation vaine du monde. Tentative à la fois laborieuse, solidaire et joyeuse, qui échouera à changer le reste du monde. « Au milieu de cette anarchie plus ou moins joyeuse, comment la fillette traverse-t-elle cette époque ? Comment sa conscience politique se forme alors qu’autour d’elle, le terrain des utopies devient plus incertain ? » Lisa ne fait pas un film pour parler d’un sujet, mais pour raconter un personnage et son histoire. Ensuite, « tu creuses là, tu creuses et le propos apparaît ». Et puis, au-delà de la fiction, « comment cette histoire peut-elle résonner aujourd’hui ? » Alors, apparaît aussi la question du rapport au monde : « est-ce qu’on change le monde qui ne nous convient pas en s’y soustrayant et en menant une vie qui, elle, nous convienne ? Ou faut-il s’investir dans le champ du social et du politique pour le combattre ? Et est-ce que cela ne te mène pas au découragement ? »
Lisa n’a pas La Réponse, mais elle a choisi d’écrire la sienne en faisant du cinéma. Son utopie à elle ? Un fragment de la grande Utopie brisée ? Pour la vivre, elle s’est entourée, notamment, des films du Balibari, de la bande de Makiz’art et de la productrice Colette Quesson (A perte de vue films). Grâce à eux, le plateau de tournage devient le lieu où « des gens sont réunis pour t’aider à faire le film que tu as en tête ». Et c’est presque incroyable, un peu magique, « toutes ces personnes, toutes ces compétences et ces énergies réunies » … pour faire un objet aussi peu « nécessaire ». D’ailleurs, est-ce que raconter des histoires, ça sert à quelque chose ?
« Non. Mais c’est fondamental. C’est comme ça que tu continues d’être humain, de t’émerveiller. Ça fait penser. Tu penses mieux avec un livre, un poème, un film. (…) Le cinéma condense tout ce qui me plaît : une création collective, inutile et fondamentale. Qui raconte le réel par l’imaginaire ».
Raconter des histoires comme moyen de relier le concret à l’abstrait, chacun de nous à l’ensemble de l’humanité? Peut-être que les histoires sont là pour nous dévoiler que nous sommes tous porteurs d’un morceau d’utopie et que partir à sa rencontre nous fait découvrir un peu plus de notre humanité. N’est-ce pas cela le voyage du héros? Celui qui réveille en nous des forces de vie ensommeillées. Alors, si le cinéma permet cela, oui, il y a bien là quelque chose de fondamental.
Ingrid Talleux.
Photo à la une : été 81, produit par Colette Quesson (A perte de vue films), a reçu l’aide au développement de la région Bretagne et a été sélectionné au boostcamp, un dispositif franco-belge qui soutient des projets à l’initiative de réalisatrices femmes.
Photo article: résidence en Roumanie. Crédits photo : Kate Parker