La séance « Films d’ici » a été créée en 1994 par Cinéma Parlant, avec l’aide du Conseil Régional des Pays de la Loire, en collaboration avec le Festival Premiers Plans : il s’agit de montrer au public de ce festival des courts-métrages tournés dans la région et / ou réalisés par des cinéastes de la région.
En effet, dans le cadre d’un festival européen consacré aux débuts des jeunes cinéastes (films d’écoles, premiers courts métrages, premiers longs métrages), il semblait intéressant de valoriser le travail des réalisateurs de la région.
L’association Cinéma Parlant est particulièrement sensibilisée à la problématique de la diffusion de ces films : elle intervient dans le domaine de l’éducation à l’image, en milieu scolaire, et en direction des publics les plus éloignés de la culture. Elle fait donc appel à des intervenants professionnels de l’audiovisuel, qui par ailleurs réalisent ou participent à la réalisation de films, notamment en région. Outre les difficultés inhérentes à tout projet de création, se pose aussi le problème de la diffusion. Des événements ponctuels sont mis en place, avec tout l’intérêt que cela présente : projection d’un film, suivie du débat avec son réalisateur, permettant de mieux cerner la démarche de réalisation.
L’événement « Films d’ici », bénéficiant de la dynamique propre au Festival Premiers Plans, permet de donner un relief supplémentaire à ce travail. Chaque année donc, 4 à 5 courts-métrages sont présentés devant une salle en général pleine (souvent avec des élus du Conseil Régional), en présence des réalisateurs. Cela représente une étape dans le parcours d’un cinéaste : plusieurs qui ont continué en réalisant des longs métrages diffusés à l’échelle nationale, sont passés par là, tels Olivier Peyon (du court métrage « A tes amours » en 2001, au long « Les petites vacances » en 2007), Chad Chenouga, (de « Batata » en 1996 à « 17 rue bleue » en 2001), Delphine et Muriel Coulin (de « Souffle » en 2001 à « 17 filles » en 2011), Fabienne Godet (de « Un certain goût d’herbe fraîche » en 1994 à « Sauf le respect que je vous dois » en 2006 et « Ne me libérez pas, je m’en charge » en 2009) …
Le programme est sélectif, puisqu’ actuellement une vingtaine de courts-métrages sont réalisés en Région (dont une dizaine bénéficient de l’aide du Conseil Régional), avec une tendance observée, depuis 20 ans que cet événement existe, d’une part à l’augmentation du nombre de productions (due en particulier à l’évolution importante du budget d’aide à la création allouée par le Conseil Régional accompagné du CNC), d’autre part à l’allongement de la durée de celles-ci.
Une commission composée de bénévoles et de salariées de Cinéma Parlant élabore la sélection, ce qui permet de croiser les subjectivités : discussions vives et passionnées… C’est avec grand regret que des films remarquables doivent malheureusement parfois être écartés.
Et certains courts-métrages intéressants sont enlevés de cette sélection, laissant la place à un autre, lorsqu’ils sont retenus dans la compétition des courts-métrages français du Festival Premiers Plans (c’était le cas en 2016 pour « Au loin les dinosaures » d’Arthur Cahn).
Cette année, quatre films ont été présentés, avec chaque fois des démarches de création et des choix artistiques spécifiques.
« Salinger est mort » de Benjamin Serero a été produit par Dublin Films, structure parisienne créée en 2006 par Fabrice Main et Benjamin Serero, formés respectivement à l’ENS Louis Lumière et à la FEMIS. Télénantes a participé à la coproduction. Erika Haglund (réalisatrice de « Tarte aux pommes », Films d’ici 2004) a collaboré au scénario et au montage. Le film a reçu l’aide du Conseil Régional des Pays de la Loire, ce qui a déterminé de nombreux choix. Il a été tourné à Nantes, et raconte en 5 tableaux quinze années de la vie de Tom et Salinger. Ce dernier, rebelle, enfermé dans des exigences excessives, rend la vie impossible à ses amis, et à lui même. Cette histoire placée sous le signe de « L’attrape-cœurs » de l’écrivain J.D. Salinger, fait l’objet d’un traitement particulier : des ellipses pour marquer le temps qui passe, un motif visuel avec des flocons de neige ou de poussière qui tombent, rappelant « Hiroshima mon amour » ou « L’amour à mort » de Resnais, le caractère implacable d’une destinée, une dimension tragique, mais aussi des scènes de discussion entre Salinger et Tom d’un naturel incroyable, en partie improvisées, tout cela en fait une proposition élégante et exigeante, échappant à un naturalisme trop prévisible, gardant un certain mystère autour du personnage principal, avec ses rêves et ses failles. Le noir et blanc est représentatif d’une proximité mêlée de distance, avec une scène finale d’une nostalgie infinie pour ce moment de l’adolescence, âge de tous les possibles, avant les choix inéluctables de la vie adulte.
Salinger est mort : l’âge de tous les possibles…
« Dublin II » relève d’une tout autre démarche. Il a été produit par la jeune société nantaise La Petite Prod de Camille Chandellier, à partir d’un reportage sonore sur une jeune femme demandeuse d’asile d’origine georgienne. Ensuite, un travail de mise en fiction a été effectué : des acteurs reproduisent ce que peut être la vie de cette famille de réfugiés, et l’on assiste même à une intervention policière dans le cadre d’une procédure d’expulsion. Des indices nous sont donnés de la dissociation entre la bande son documentaire et la bande image relevant de la fiction : la question est posée à la jeune femme interviewée si elle peut se laisser filmer ; et il n’y a pas de voix synchrone avec l’image. Ce film nous a paru intéressant du fait de ce dispositif, et des effets produits : voix de la femme très belle, chantante presque, ce qui lui confère une forte présence, mais son absence à l’image témoigne de son existence précaire, avec la hantise de l’intervention policière, tout en ayant l’espoir d’une vie normale telle qu’elle se profile sur la bande image… Le film n’a pas été aidé par la Région Pays de la Loire, mais par le Département Loire Atlantique, et par la Région Bretagne. Des techniciens, comédiens et figurants bretons ont participé au tournage, ainsi que le ligérien Martin Gracineau au montage son. Il a été réalisé par Basile Remaury, ancien élève de la Femis.
Dublin II : 2 fois l’incertitude, le son et l’image
« Denis et les zombies » a été réalisé par Vital Philippot. Son précédent court-métrage « Tennis Elbow » avait reçu le prix France Télévision au Festival de Clermont Ferrand, ce qui lui a permis de bénéficier d’un préachat de la chaîne ; il a en outre reçu l’aide du Conseil Régional des Pays de la Loire, il a été produit par Takami Productions (Paris), tourné dans le sud de la Sarthe, à Mareil sur Loir et Saint Jean de la Motte. A travers l’histoire d’une équipe de tournage débarquant dans un petit village pour tourner un film de zombies, se dessine la rencontre entre le groupe des cinéastes et les jeunes du village : qui sont les zombies ? la frontière bien visible qui sépare les morts vivants des vivants sépare aussi villageois et cinéastes ; une figure se détache particulièrement, avec le personnage lunaire de Denis, interprété par Esteban, qui pose la question de la tolérance face aux différences, et qui donne sa profondeur à un film de tonalité comique : la confrontation, la menace d’exclusion, la violence affleurent, et peuvent nous renvoyer à une réflexion sur nos propres seuils d’acceptation.
Denis et les zombies : un villageois ou un zombie ?
Le dernier film, « Les Ours du Pouldu » de Marion Truchaud, a bénéficié aussi de l’aide du Conseil Régional, et de l’accompagnement du Bureau d’Accueil des Tournages, qui lui a par exemple indiqué la maison figurant au premier plan du film, dans laquelle vit ce père âgé conduit en maison de retraite par son fils. Le co-scénariste et comédien principal en est Pierre Carrive, l’assistant réalisateur Adrien Coché. L’essentiel a été tourné en sud Vendée, à La Tranche sur Mer, où a lieu une scène étonnante, imprévue, dans ce parcours : au milieu des nécessités inéluctables, s’interpose un instant d’ouverture vers une liberté entrevue, et l’infini de la mer… Le regard porté sur ces deux personnages est emprunt de tendresse, tout en restant lucide. Comme dans les trois autres films, il y est question de différence, mais aussi de transgression, des limites qui nous sont imposées ou que l’on franchit, comme en écho avec la rétrospective thématique de cette édition du Festival Premiers Plans, « Rebelles ».
Les Ours du Pouldu : père et fils mettent à l’épreuve leur liberté
Louis Mathieu, Cinéma Parlant
La volonté de Cinéma Parlant est de donner une suite à cet événement. Un partenariat a pu être établi avec Angers Télé : certains courts métrages y sont multidiffusés, suivis chacun d’une interview de leur réalisateur.
D’autre part, des « exportations » ont lieu :
– vendredi 4 mars à Vihiers (49), au Ciné’fil, en présence de Marion Truchaud, avec bien sûr « Les Ours du Pouldu », et d’autres courts métrages des sélections de cette année ou d’années précédentes (organisé par le Festival Premiers Plans)
– vendredi 6 mai, au Mans, au Cinéma Les Cinéastes, le programme complet de la soirée Films d’ici 2016 en présence (sous réserve) de Vital Philippot
– jeudi 26 mai, à Nantes, au Concorde, le programme complet de la soirée Films d’ici 2016 en présence de Benjamin Serero (avec le soutien des « Films du Funambule »)