La Plateforme, Pôle Cinéma Audiovisuel des Pays de Loire, a proposé à Charlotte Blanchet – journaliste, réalisatrice, scénariste et membre d’ADISA – d’établir un état des lieux des tournages de fiction sur le territoire ligérien en 2016. En accord avec le souci de La Plateforme de donner la parole à ceux qui œuvrent à la création audiovisuelle et cinématographique en Pays de la Loire, cette carte blanche a permis – entre juin et octobre 2016 – de recueillir et de confronter les points de vue d’une dizaine de professionnels qui vivent, travaillent et pensent la réalité des tournages ligériens de l’intérieur.
La liberté avec laquelle se sont exprimés ces acteurs de la création – repéreur, directeur de casting, assistant-réalisateur, comédienne, décoratrice, producteur, etc. – constitue une richesse de témoignages qui pose un diagnostic sensible sur les problématiques conjoncturelles et structurelles des tournages en Pays de la Loire. En croisant les regards sur les avantages et les difficultés spécifiques du territoire, à travers les louanges et les critiques librement exprimées, cette enquête à visage humain révèle au moins deux enjeux fondateurs pour le développement d’une filière digne de ce nom : l’urgence de fédérer l’ensemble de la profession ligérienne et la nécessité décisive d’un soutien politique affirmé en matière de création audiovisuelle et cinématographique.
Loin de vouloir tirer des conclusions définitives sur la question des tournages de fiction en région, ce dossier affirme la nécessité préalable d’établir un dialogue ouvert et pragmatique entre les professionnels, les organisations et les institutions responsables du développement de la filière. En ce sens, les témoignages recueillis et sélectionnés par Charlotte Blanchet s’inscrivent dans la perspective critique et constructive d’une politique à venir fondée sur les problématiques les plus concrètes. Cette investigation inaugure donc un vaste chantier en posant les éléments d’une belle ambition pour tous les artisans et amoureux de cinéma : préparer les Pays de la Loire à devenir une terre d’accueil de plus en plus attractive pour les œuvres de fiction.
Ce document est divisé en deux parties. La première établit une série de constats subjectifs décrivant la situation singulière des Pays de la Loire dans le paysage national. La seconde offre un tour des propositions émanant des professionnels, livrant les idées les plus propices à soutenir le développement de la filière concernant la question des tournages de fiction. Car c’est aussi l’un des objectifs de La Plateforme de contribuer à fonder une politique cinéma-audiovisuel ligérienne sur une expérience de terrain et les idées les plus partagées, partant d’un légitime éclairage sur les difficultés à lever et les richesses à valoriser.
David Zard
2016, une année exceptionnelle…
3 longs métrages, 4 programmes de télévision, 9 courts métrages… 2016 a été une année faste en matière de tournages de fiction en Pays de la Loire. Une bonne année, aussi, pour les techniciens ligériens : ils ont eu l’occasion – plus que d’habitude – de travailler « à la maison ». Mais comment les professionnels des Pays de la Loire analysent-ils l’activité de la filière sur leur territoire ? Et surtout, comment parlent-ils de leur métier et de la façon dont ils l’exercent en région ?
6 épisodes de Prof T, une série policière inédite qui sera diffusée prochainement sur TF1, 10 épisodes de French Touch, une série de comédie commandée par la chaîne OCS, un épisode de la 7e saison du Sang de la Vigne, série policière à succès incarnée par Pierre Arditi et diffusée sur France 3, un téléfilm dramatique pour France 2, Mon frère bien aimé, 3 longs métrages – Plonger, Les Fantômes d’Ismaël et Le Gardien du Temple – tournés partiellement en région, et presque une dizaine de courts métrages : 2016 a été une année plus que satisfaisante pour le cinéma et l’audiovisuel ligérien. Le Bureau d’Accueil des Tournages (BAT) a comptabilisé 200 jours de tournage sur l’année.
L’épisode du Sang de la Vigne, titré « Retour à Nantes » a demandé 25 jours de tournage en Pays de la Loire en 2016.
Il y aurait là de quoi se réjouir pour ceux qui travaillent dans la filière cinéma en région. Mais alors pourquoi certains professionnels, à l’instar du directeur de casting Stéphane Chemin, émettent-ils des réserves :
« 2016, un année exceptionnelle… Heureusement. Nous n’allons pas bouder notre satisfaction et notre plaisir. Mais malheureusement, c’est bien la première fois que j’arrive à vivre de mon métier en ne travaillant qu’en région.
Les autres années – et encore pas toujours – la moyenne était de réussir à se placer sur un long métrage et quelques bouts d’autres projets qui ne venaient tourner qu’une à deux semaines.
J’aurais envie de dire que nous avons eu de la chance ou que nous avons bénéficié d’une conjoncture très favorable. Mais la région des Pays de la Loire compte quand même toujours parmi les parents pauvres du cinéma en France. J’ai l’impression que la Bretagne tourne 10 fois plus que nous… »
Peut-on parler de chance, de concours de circonstances ?
Pour la série Prof T, par exemple, le tournage à Nantes s’explique notamment par l’origine nantaise d’Elsa Marpeau, l’une des scénaristes chargée de son adaptation qui a su « vendre » les décors de sa ville d’origine. Yann Le Borgne, repéreur, a travaillé sur la préparation du tournage de Prof T :
« Il y avait à l’origine un vrai désir de la scénariste, puis de la productrice, puis de TF1 de tourner à Nantes. Ils ont tous fini par fantasmer Nantes en ville de province dynamique ».
Claude Azoulay, le directeur de production parisien de Prof T confirme cet engouement pour la ville :
« On cherche tous de plus en plus à tourner en province, à montrer de nouveaux décors, de nouveaux paysages. Ça permet de changer des « codes parisiens ».
Pour Prof T, Nantes était une vraie opportunité : des décors encore peu exploités – c’est une force -, une ville agréable et proche de Paris, pratique pour les déplacements… ».
La série policière : Prof T de Elsa Marpeau avec Mathieu Bisson (Julien Tardieu) et Fleur Geffrier (Capitaine Lise Doumère).
Résultat : la Région s’est engagée sur le projet à travers des aides à la production. 31 jours de tournage à Nantes, entre mai et août. Les 6 épisodes de 52 minutes se sont partagés entre la Loire-Atlantique et la région parisienne.
L’épisode nantais du Sang de la Vigne représente, lui, 25 jours de tournage. Et le téléfilm Mon frère bien aimé, 2 semaines de préparation et 21 jours de tournage.
La Région a également son rôle à jouer dans l’ancrage des tournages sur son territoire. On peut citer l’exemple de la série French touch, la deuxième série accueillie en 2016 : malgré une action à Paris et en Corse, le tournage a pu intégralement se faire en Pays de la Loire grâce à la rapidité des délais de réponse aux producteurs et au soutien accordé au projet.
Pour ceux qui ont travaillé sur ces différentes fictions, le compte est bon. Entre la préparation et les tournages, Stéphane Chemin a réussi à cumuler 6 mois d’activités, rien que sur le début de l’année.
Pour de nombreux techniciens ligériens, le bilan est donc clairement positif ! Oui, mais…
Stéphane Chemin se souvient que l’an dernier, faute de projets, il a perdu son statut d’intermittent du spectacle pendant plusieurs mois. Et parmi les techniciens qui travaillent le plus en région – et qui affichent à la fois des années d’expériences et un copieux carnet d’adresse – il est loin d’être le seul à avoir fait les frais de cette situation.
Car l’accueil des tournages de fiction en région Pays de la Loire n’est pas encore, selon ces techniciens, ce qu’il pourrait et devrait être. Bien qu’adossé à une institution régionale, ses moyens sont encore trop limités pour soutenir et attirer les productions en nombre.
Les professionnels de la filière ont identifié certains freins ou dysfonctionnements qui nuisent à l’activité cinématographique. Ils tirent leurs propres conclusions. Mais ils savent aussi dire ce qui va de mieux en mieux ou proposer des idées qui permettraient d’améliorer la situation des Pays de la Loire en matière d’accueil de tournage.
1ère partie – Freins et leviers
L’image de marque régionale : peut-on parler d’attractivité ?
Pour appréhender la particularité du territoire ligérien, prenons l’exemple de deux régions réputées attractives en matière de tournage : la Côte d’Azur et le Nord.
D’un côté, le soleil, la lumière, des décors de carte postale, des maisons d’architectes et leurs piscines à débordement… De l’autre, un ciel aux infinies nuances de gris, des paysages industriels et de la brique !
De l’extérieur, tout semble opposer les deux régions. Et pourtant, elles bénéficient d’au moins deux conditions communes : le caractère des paysages et la politique de soutien à la création.
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est l’une des plus sollicitées de France par les productions nationales et internationales. Les Hauts-de-France, quant à elle, attire de plus en plus de tournages d’envergure. Cette année, elle aura accueilli les tournages du prochain film de Michael Haneke, Happy End et de celui de Christopher Nolan, Dunkirk.
Cette superproduction a nécessité à elle seule 5 semaines de tournage sur place, 1500 figurants et le remorquage du fameux Maillé-Brezé, ancien bâtiment militaire devenu musée naval, dont le port d’attache est… à Nantes.
Alors, attirer les tournages, à quoi ça se joue ?
Avant même de parler de politique d’accueil des tournages ou d’investissement, force est de constater la puissance évocatrice et l’authenticité des paysages. Le Nord, ce sont aussi « les gars du Nord », les Chtis, leurs « bouilles », leur accent et leur jovialité. Tous ces éléments qui font dire au réalisateur Bruno Dumont, originaire des Flandres et fervent défenseur de sa région, qu’il aime filmer les paysages et les habitants de son Nord natal, « l’une des rares régions qui a conservé son caractère face à la mondialisation qui uniformise tout ».
Le Nord a une identité – une « âme » pourrait-on dire – un caractère marqué qui n’a pas d’équivalent en Pays de la Loire. Pour la majorité des productions extérieures, le territoire ligérien reste encore une terra incognita.
Un imaginaire à construire
Le repéreur nantais Yann Le Borgne est habitué à sillonner la France en quête de décors qui correspondent aux demandes des productions pour lesquelles il travaille. Il apporte quelques clés pour comprendre l’image du territoire :
« Cette région des Pays de la Loire est finalement assez mal identifiée. Ici, ce n’est pas comme en Corse, dans le Bordelais ou au Pays Basque. Il n’y a pas d’imaginaire lié aux Pays de la Loire. Les réalisateurs ne savent pas à quoi la région peut ressembler. Ils ont même une image partiellement fausse : les châteaux, par exemple. C’est plutôt le Centre, ça !
Et puis, même nous, Ligériens, avons du mal à nous identifier à notre territoire. Angers, Laval, Le Mans, La Roche-sur-Yon… On ne peut pas dire qu’on partage une culture commune. Alors on peut comprendre que la vision d’ensemble soit floue. Il y a tout un imaginaire à construire pour que les réalisateurs puissent fantasmer les décors. Sans compter qu’il y a dans la région des lieux forts. Je pense par exemple au Cadre Noir de Saumur ou au circuit des 24 heures du Mans…».
Selon lui, ce manque d’homogénéité et de typicité des Pays de la Loire est l’une des raisons pour lesquelles la région accueille encore trop peu de tournages de fiction. Il raconte une anecdote à propos de la préparation de l’épisode du Sang de la Vigne pour lequel il a fait des repérages au printemps :
« La production avait demandé au réalisateur – qui travaille plutôt dans l’univers du polar – de mettre en valeur les paysages viticoles. Et, lui, était un peu perplexe : le Muscadet, c’est une région plate et assez pauvre. Il n’y a pas de paysages vraiment marqués ni de bâtiments majestueux.
La photogénie des lieux a donc été assez complexe à trouver. Mais nous y sommes arrivés. Le problème se serait sans doute posé d’une autre façon dans le Bordelais, où le terrain est plus accidenté, où le moindre bâtiment est valorisé. Le Bordelais, c’est plus facile à fantasmer. D’ailleurs, les productions étrangères y vont plus facilement ».
Pourtant, la région a de très nombreux atouts. Stéphane Chemin prend l’exemple de la ville de Nantes :
« C’est une très belle ville. En 2000, le réalisateur Pascal Thomas en a d’ailleurs fait l’un des personnages de son film Mercredi, folle journée. Il était tombé amoureux de la lumière. C’est, je crois, le dernier film qui a exploité à ce point la ville d’un point de vue cinématographique ».
Or, si Nantes a su séduire quelques cinéastes, elle ne reflète pas la richesse des paysages ligériens. Nantes ne dit rien des pâturages mayennais, des vignobles de l’Anjou ou des bords de mer vendéens. Il existe bien une base de lieux de tournages constituée par le BAT qui recense des décors sur l’ensemble du territoire régional. Mais l’identification plurielle des ressources ligériennes est un travail long et complexe, encore largement perfectible.
Peut-être faudrait-il se concentrer sur d’autres facettes de la région, pour activer des leviers différents ?
Dans les Hauts-de-France, on est fiers d’avoir des réalisateurs de renom : Bruno Dumont, Xavier Beauvois ou Arnaud Desplechin…
Desplechin est originaire de Roubaix. Et il revient presque systématiquement tourner dans sa ville natale. Il y a d’ailleurs tourné pour partie son prochain film, Les Fantômes d’Ismaël, pour lequel l’équipe s’est déplacée également à Noirmoutier[1]. S’appuyer sur sa notoriété est une autre façon de faire la promotion de la région.
Les Pays de la Loire comptent sans doute moins de réalisateurs renommés. Mais ils ont d’autres cartes à jouer et à valoriser pour assurer leur « visibilité ».
Caroline Ferrus, comédienne et scénariste, a quitté Paris en 2012 pour s’installer à Nantes. Elle s’enthousiasme :
« Nantes, c’est un sublime terrain de création. Il y a ici une énergie folle, une essence artistique. Il faut la mettre à profit. Pour ce qui concerne les comédiens, on se rend compte qu’il y a de vrais talents, mais aussi que, pour l’instant, ils sont plus à l’aise avec le théâtre qu’avec l’image. Ils manquent aussi de visibilité.
Il n’empêche : on voit ici de très belles choses… autoproduites ? Je pense, par exemple, à la web série Random (de Rémi Noëll et Sullivan Le Corvic). C’est bien écrit et bien joué. Eux ont réussi à se faire connaître. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Mais c’est un exemple parmi d’autres de ce qu’il faut valoriser et développer »
On peut aussi évoquer l’explosion des web séries ou des films collaboratifs portés par des associations comme Mad Cow ou Jolis Mômes et des productions comme Hawaï Production et Garage Sanka… Autant d’exemples du dynamisme et d’une réelle motivation des professionnels de la région.
La série web, Les Docteurs datamaniaques d’Erick Sanka ©Garage Sanka
Le « nerf de la guerre »
Quand on prend le temps de discuter avec les techniciens régionaux de la situation de la création cinématographique en Pays de la Loire, un mot revient souvent à la bouche : « l’argent ». Avec une variante aussi récurrente : le « manque de moyens ».
A travers ce constat, ils désignent essentiellement le fonds d’aide à la création cinématographique, audiovisuelle et multimédia de la Région des Pays de la Loire qui reste le seul fonds d’aide existant sur le territoire.
Depuis son lancement en 2001, cette enveloppe budgétaire s’est développée, intégrant au passage créations multimédia et œuvres numériques. Son montant a régulièrement augmenté, passant de 495 000 € en 2001 à 1 650 000 € en 2014 et 2015.
En 2015, tous genres confondus, cette aide a permis de soutenir financièrement le développement et la production de 61 projets retenus parmi 236 dossiers présentés.
En moyenne, la Région consacre 26 % de son fonds de soutien aux longs métrages, 35% aux courts métrages et 40 % à l’audiovisuel (et notamment au documentaire). Ce qui la positionne à la 4e place des régions de France qui accompagne le plus le secteur du court métrage, mais la situe à la 14e place en matière de long[2].
Ces chiffres, les professionnels ligériens ne peuvent s’empêcher de les comparer avec les dotations affichées par quelques régions de France plus… engagées. En 2015, la Bretagne a consacré un budget de 2 800 000 € à la filière. Les Hauts-de-France, 3 120 000 euros (budget qui pourrait être augmenté de manière considérable en 2017 pour atteindre 10 millions d’euros par an). La région PACA, 4 400 000 €. Et l’Ile de France – championne en titre -, 13 500 000 €.
Alors, s’ils reconnaissent facilement que les aides en région Pays de la Loire sont montées en puissance depuis leur création et qu’elles permettent de tourner davantage de longs métrages et de séries, les professionnels se disent également, comme Stéphane Chemin, que « c’est un bel encouragement, mais que ce n’est pas suffisant ». Le directeur de casting considère que la subvention est le « nerf de la guerre », le levier qui va attirer les productions en région. Un avis que partage le repéreur Yann Le Borgne :
« Pour moi, l’une des raisons principales qui expliquent que la région accueille encore peu de tournages, c’est d’abord, la raison financière. Les productions vont tourner là où elles ont trouvé l’argent pour financer leurs films. En général, elles sont même prêtes à transformer un scénario pour faire aboutir le projet… »
Stéphane Chemin confirme : il prend l’exemple d’En équilibre, le film de Denis Dercourt, avec Cécile de France et Albert Dupontel, sorti en 2015. La production a obtenu deux aides régionales, l’une en Bretagne, l’autre en Pays de la Loire. Et le scénario a été adapté de façon à tourner dans les deux régions.
Il n’y a pas que le budget global du fonds d’aide de la région qui pose question aux techniciens.
Adrien Coché, assistant-réalisateur et scénariste installé à Nantes depuis 5 ans, s’interroge sur la stratégie adoptée par la Région quand elle décide de soutenir ou non les projets présentés aux comités techniques :
« J’aimerais savoir comment ils sélectionnent les films aidés. Je suis curieux de savoir ce qui motive leurs choix. J’aimerais qu’il y ait plus de communication sur ce point ».
« En tant que cinéphile et spectateur, je trouve qu’une politique de soutien aux films dits « fragiles », c’est une bonne chose. Là où ça m’embête, c’est en tant que professionnel. Parce que ces projets sont réalisés dans une économie qui est – elle aussi – beaucoup plus fragile. J’ai travaillé sur des courts métrages qui, à peu de chose près, n’étaient aidés que par la Région. Les budgets à 30 000 €, ça met en danger les équipes techniques… Elles doivent gérer plus de problèmes techniques et humains ».
Ces dernières années, la Région a effectivement défendu une ligne privilégiant les œuvres de création, des projets économiquement fragiles mais dont le potentiel artistique semblait séduisant. Il faut aussi mettre en avant qu’avec un fonds plus limité que d’autres régions des choix doivent être faits.
Les critères de sélection des aides sont affichés sur les pages du site internet de la Région : « les projets seront essentiellement retenus pour leur qualité artistique ». On peut aussi y lire que « leur lien avec une thématique régionale ou leur capacité à contribuer au développement d’un savoir-faire régional constituent également des éléments importants de sélection des dossiers ». Et que « les demandes de réalisateurs ou producteurs régionaux seront examinées avec un intérêt particulier ».
De manière générale, le soutien politique aux professionnels régionaux est clair. Mais dans les faits, les décisions prises par le comité posent parfois question. Stéphane Chemin évoque les discussions qu’il a pu avoir avec d’autres professionnels :
« Le choix des scénarios aidés fera toujours débat… Pour autant, il ne faut pas remettre en cause le collège de jurés.
Tous les projets qui ont été aidés étaient de qualité, et même, la plupart du temps, de très grande qualité. Mais on a le sentiment que les membres des commissions sont en général un peu frileux, classique ou même élitiste.
Prenons l’exemple du téléfilm Mon frère bien aimé de Denis Malleval, C’est un excellent réalisateur de téléfilm. Il avait en tête d’affiche Michael Youn dans un rôle dramatique à contre-emploi. Je peux comprendre qu’il ait eu des réticences à le soutenir. Et je sais qu’il y en a eu beaucoup. Mais la production a joué à fond la valorisation de la région, l’embauche des techniciens et des comédiens locaux. Ils ont fini par obtenir une aide, mais elle était plutôt symbolique. »
On peut aussi parler de l’ancrage régional des films et des aides aux réalisateurs locaux. Ils ne sont pas nombreux mais il en existe des confirmés. Certains, comme le réalisateur Marc Picavez, sont très suivis par les commissions. Mais pourquoi en lâcher d’autres en cours de route, comme Pascal Rabaté, alors qu’il avait été aidé sur ses deux premiers films ? Et pourquoi ne pas aider une série comme Random[3] qui est appréciée et qui attaque le tournage de sa saison 2 dans une économie très fragile. Une aide conséquente ne lui permettrait-elle pas de franchir un cap en qualité et en diffusion ?
Quelle stratégie pour la fiction ?
Ce qui pose également problème aux professionnels, c’est la répartition de l’enveloppe budgétaire de la Région entre les courts et les longs métrages. François Pichon, repéreur et régisseur, résume la situation de manière tranchée :
« En Pays de la Loire, la majorité des fictions tournées sont des courts-métrages. Il n’y a pas assez de longs. »
Les longs métrages, mais aussi les séries à épisodes, sont les formats qui font vivre les professionnels : davantage de travail de préparation, de jours de tournages, de cachets d’intermittents, des équipes plus nombreuses que sur les petites productions…
De l’avis majoritaire, la Région doit donc être en capacité – pour soutenir la filière cinéma – de porter financièrement des projets d’envergure, générateurs d’emploi.
Stéphane Chemin regrette encore une chose :
« En Pays de la Loire, il n’y a pas d’aide à l’écriture. Or, le plus important pour faire un film, c’est le scénario. Un bon film, c’est d’abord un scénario. Il faudrait pouvoir mieux accompagner les auteurs en région. Parce qu’il y a ici des réalisateurs et des auteurs qui savent écrire et ont des idées mais dont les projets n’aboutissent pas.
Il y a quelques aides aux ateliers d’écriture : la démarche est bonne. Mais si l’on prend l’exemple des Ateliers d’Angers, le dispositif est ouvert à des auteurs venus de l’Europe entière. Or, les auteurs locaux ont besoin d’étapes intermédiaires, d’accompagnement, et d’aides à l’écriture qui les aideront à monter les marches, jusqu’à pouvoir prétendre un jour participer aux Ateliers d’Angers ».
Après un changement de mandature en 2015, la Région est encore en phase de transition. Il faut sans doute laisser le temps aux nouveaux élus de prendre leurs dossiers en main. Mais c’est justement ce contexte mouvant qui inquiète les techniciens. A l’heure où les régions Bretagne et Hauts-de-France annoncent une augmentation, voire une multiplication par 2,5 du soutien financier accordé à la filière cinéma et audiovisuel sur leur territoire respectif, les professionnels des Pays de la Loire se demandent comment leur filière va évoluer et de quel montant sera doté le budget du fonds d’aide en 2017.
Régine Catin, membre de la commission Culture, sport, vie associative, bénévolat et solidarités du Conseil Régional, a été nommée référente sur les questions concernant la filière cinéma. Elle se veut très investie et prête à porter le rôle de la Région au niveau national.
Au moment où, du côté de la Région, on se prépare à négocier une nouvelle convention triennale avec le CNC, ce soutien peut laisser espérer des nouvelles encourageantes pour les professionnels. C’est au moins ce que penseront les plus enthousiastes d’entre eux.
Mais certains, comme François Pichon, se montreront échaudés par des années d’observation des mécanismes en vigueur dans le secteur :
« {En matière de cinéma} la Région n’a jamais suffisamment affiché et incarné sa politique. Elle n’accompagne pas assez. On a parfois l’impression qu’elle attend que les gens du milieu « fassent » pour pouvoir ensuite apposer son macaron. »
Et Stéphane Chemin lui conclut, plus philosophe :
« Quels axes, quelles priorités voulons-nous donner à notre filière ? Voulons nous plutôt aider des films d’auteurs qui ont du mal à boucler leurs budgets, des films qui feront le “buzz” dans les médias ou qui auront une chance d’être présenté au festival de Cannes pour valoriser notre région, ou voulons nous donner du travail aux productions, comédiens et techniciens locaux ? L’idéal serait tout à la fois. Mais malheureusement, le budget annuel de la Région nécessite de faire des choix. »
L’état des troupes : précaires et « multi casquettes » ?
Il n’est pas toujours facile de chiffrer le nombre de personnes qui travaillent dans le cinéma ou l’audiovisuel en Pays de la Loire : la Région a lancé une OPP en 2013 qui a dénombré 400 intermittents et plus de 500 permanents, une étude du CNC – basée sur les données d’Audiens et de l’INSEE – fait état d’un peu plus de 3800 emplois, la base TAF quant à elle du Bureau d’Accueil des Tournages de la Région ne compte que 500 “techniciens” inscrits. Cette disparité montre bien la difficulté à quantifier le poids de cette filière et suggère la mise en œuvre d’une observation statistique plus précise.
Sans compter qu’ils ne travaillent pas tous qu’en région :
« Sauf exception cette année, un technicien de la filière fiction qui évolue en région Pays de la Loire ne peut pas vivre de son métier s’il décide de ne travailler qu’en région ».
Ça ne me dérange pas car je vais là où on me demande pour les projets et les tournages. Et à mon poste, il ne faut jamais vraiment se couper de Paris. C’est donc une condition que j’accepte bien volontiers. Mais jongler entre deux régions, ou deux villes, demande deux réseaux différents à entretenir et donc deux fois plus d’énergie… et d’argent aussi : deux loyers et des frais de transports à ma charge. C’est aussi une sorte de double vie qu’il n’est pas toujours facile à organiser. ».
C’est encore Stéphane Chemin qui parle. Idéalement, il préfèrerait travailler sur un maximum de projets en région – pour être au plus proche de sa famille, de ses collègues – et n’aller travailler à Paris que sur des projets complémentaires. Mais d’une année sur l’autre, son emploi du temps varie. Contrairement à des professionnels débutants, il a, lui, la possibilité, dans les périodes creuses en région, d’activer des contacts engrangés au cours de sa longue carrière pour trouver du travail ailleurs. Il passerait presque pour un privilégié.
Yann Le Borgne, le repéreur de décors de fiction s’en sort de la même manière, bien conscient des règles. Pour lui, « Un technicien qui rassure, c’est un technicien qui travaille ». Alors, bien qu’il réside près de Nantes, il y a des années pendant lesquelles il ne travaille pas un seul jour à proximité de chez lui.
Pour d’autres, la région n’est d’ailleurs plus qu’un point de chute : la « maison » où ils se ressourcent après avoir couru aux quatre coins de la France.
D’autres apprécient que leur métier leur permette de voir du pays ! Aurore Casalis est chef décoratrice :
« Je travaille partout ! Ce qu’il y a de positif, c’est qu’à chaque fois, c’est une découverte et qu’on apprend partout. Après, ce qu’il y a de bien à travailler régulièrement dans une même région, c’est que j’y ai tous mes contacts, les entreprises, et les équipes avec lesquelles je bosse, les décors que je connais… Savoir où je vais trouver quoi, à qui je peux demander telle chose, c’est important. C’est pour ça que j’aime avoir Nantes pour camp de base ».
Mais, pour tous ces professionnels, le problème consiste simplement à trouver du boulot. Ici ou là. Sans parler de contrats payés au tarif en vigueur.
SMIC, journées de 12 heures payées 8, temps de préparation qui dépasse largement les quelques jours budgétés… Bien qu’irrégulières, ces conditions sont monnaie courante dans les métiers du cinéma. C’est une des raisons pour lesquelles la précarité finit par toucher un grand nombre de techniciens de la région. Y compris ceux qui travaillent, y compris ceux qui passent leur temps à Paris.
De nombreuses productions extérieures considèrent François Pichon comme un relai essentiel en région Pays de la Loire. Il n’empêche : comme beaucoup d’intermittents du spectacle, le repéreur/régisseur est parfois obligé de compter ses heures. Et pour cause : l’an dernier, il a perdu son statut d’intermittent pendant plusieurs mois. Même cas de figure cette année pour l’assistant-réalisateur Adrien Coché :
« Je m’aperçois que je suis continuellement précaire. Là {au mois de juin dernier} je n’ai pas mes heures. Je suis au RSA. Il me manque 200 heures pour refaire mon statut d’intermittent. Et je n’ai rien de prévu. Je ne vois pas comment je vais réussir à m’en sortir ».
Caroline Ferrus n’a pas non plus reconquis son statut d’intermittente. En juillet, il lui manquait la moitié de ses heures pour prétendre à des indemnités. Ce n’est pourtant pas faute de travailler :
« Je bosse tout le temps, mais je « slashe » à mort ! ».
Car Caroline est comédienne de théâtre, de télévision et de cinéma / directrice d’acteurs / chanteuse / scénariste… En novembre, elle a tourné le pilote de Coquette, série musicale autofinancée, qu’elle porte avec une équipe professionnelle… mais bénévole.
La série web Coquette ©Coquette/Hawai Productions
Elle a surtout décidé dernièrement de s’investir ou de soutenir divers projets peu rémunérateurs parce qu’ils sont en phase de développement. Elle espère tirer, un jour, profit de ses investissements multiples dans les domaines du spectacle vivant, de l’audiovisuel, du clip musical ou du cinéma. Mais surtout, elle a fait ses choix par goût. Parce qu’elle aime et trouve très formateur de naviguer dans plusieurs univers. Comme beaucoup d’autres.
« Bricoleurs » ou professionnels confirmés ?
En Pays de la Loire, le manque de tournage oblige aussi certains professionnels à la débrouille. Stéphane Chemin a d’ailleurs trouvé, pour les désigner, la plus juste des appellations : les « multi casquettes spécialisés ».
Pas de loueurs, ni de rippers ligériens, à proprement parler, mais plutôt des bricoleurs doués et expérimentés, qui affinent leurs compétences au gré des films, au cas par cas, et qui ne pourraient pas gagner leur vie s’ils restaient arc-boutés sur une spécialité.
Un réalisateur pourra être amené à proposer ses services en montage. Un ingénieur du son pourra à la fois travailler dans la fiction, le documentaire et la scénographie sonore… En région, tout est possible. Mais, dans l’industrie du cinéma et particulièrement pour le long métrage, il faut être pleinement reconnu dans son poste pour pouvoir intégrer une équipe de professionnels confirmés.
Ce qui fait dire à certains techniciens que les productions parisiennes sont réticentes à embaucher en région. Elles sont habituées à travailler avec leur propre réseau, et n’ont pas l’impression de pouvoir trouver des techniciens suffisamment expérimentés sur place. Elles préfèrent alors faire descendre de Paris les professionnels déjà identifiés, pour limiter « les risques ».
Benoit Maximos, monteur, pose une question partagée par d’autres techniciens régionaux :
« Si je bosse au coup par coup, suis-je légitime ? Puis-je dire que le montage, c’est mon métier, à part entière ? Et comment faire la preuve de ma légitimité, notamment vis à vis des productions extérieures ? »
Quand Stéphane Chemin tente un diagnostic des troupes ligériennes, il parle de « fragilité » :
« Je crois qu’on a suffisamment de techniciens expérimentés pour monter deux équipes de tournage de longs métrages, pas plus… Et avec des postes un peu faiblards… On a quelques chefs opérateurs mais très peu d’assistants mise en scène. Je ne suis pas sûr qu’on pourrait assumer les tournages de plusieurs longs en même temps {en autonomie} ».
Le cas de figure s’est présenté au printemps dernier. Les calendriers de deux tournages de fiction se sont chevauchés. Résultat : Stéphane Chemin n’était pas disponible pour assurer le casting de l’épisode du Sang de la Vigne. En urgence, il décide de former Adrien Coché pour pouvoir proposer un remplaçant ligérien à la production de la série policière. Celui qui travaille habituellement en tant qu’assistant-réalisateur se souvient d’un moment de stress :
« C’était une prise de risque que de me confier ce poste. Mais Stéphane Chemin sait accorder sa confiance et… garder son calme. C’est pour ça qu’il est un rouage essentiel sur un plateau. Il m’a aidé à faire mon job : protéger les figurants, leur permettre de comprendre les conditions de tournages et de rester concentrés ».
Le tournage s’est bien passé. Production et figurants étaient ravis. Adrien peut ajouter une expérience réussie de chef de file à son CV. Mais il dit aussi se fatiguer des embauches de dernières minutes, caractéristiques, selon lui, des tournages de longs métrages en région.
Nomadisme, précarité et remise en question permanente… De quoi expliquer la colère ou l’abattement qui emportent parfois les techniciens ligériens. Des professionnels amoureux de leurs métiers, compétents, capables de prises de risque, mais que les conditions de travail instables poussent aussi parfois à se mettre en insécurité. Ou à douter…
« D’où la nécessité de développer la formation », répondra le régisseur François Pichon. «…Et d’avoir une politique volontariste de la Région en la matière. Les techniciens locaux doivent absolument être en mesure de se tenir à jour des technologies. Et le faire savoir à ceux qui embauchent ».
Savoir-faire et faire savoir… Deux volets qui devront être améliorés pour attirer toujours plus de projets de films en Pays de la Loire et valoriser les compétences régionales.
Ce qui va mieux : le réseau (l’humain dans l’industrie)
Richesse et variété des décors, coûts de production relativement « bon marché », débrouillardise et compétences des professionnels… On ne le dira sans doute jamais assez : il y a, en Pays de la Loire, un potentiel à identifier et à exploiter.
« Il y a ici des forces vives qui arrivent à faire des choses complètement barrées avec très peu de moyens ! Ils bossent au service de l’idée du cinéma. C’est une énergie positive. Il faut s’en emparer. Parce que… l’alchimie se fait quand les gens sont moteurs. C’est l’humain qui fait décoller les projets ».
Adrien Coché fait partie des techniciens qui ont décidé se mobiliser. Et c’est à la Plateforme, Pôle Cinéma Audiovisuel des Pays de Loire qu’il a commencé à s’engager, avec d’autres professionnels, pour tenter de faire bouger les lignes. Il y a trouvé les pistes qui lui ont permis de commencer à travailler en région et à y tisser un nouveau réseau, plus local. En arrivant en Loire-Atlantique, ce n’était pourtant pas son objectif premier, au contraire : il s’est installé à Nantes en comptant éprouver l’idée selon laquelle « habiter loin de Paris, ça permet de mieux bosser à Paris ». Mais une fois sur place, il lui a été assez difficile de ne pas s’intéresser à ce qui s’y faisait.
De fait, la rencontre humaine est un principe décisif dans le milieu. Caroline Ferrus, la comédienne « slasheuse », peut en témoigner :
« Quand je suis arrivée à Nantes, mon premier réflexe a été de m’inscrire sur la Base TAF du Bureau d’Accueil des Tournages. Je savais qu’en quittant Paris, je quittais le cœur de la production et des castings. J’avais dans l’idée que je ne toucherai plus que des petites productions. Et ça a été assez difficile d’identifier ce qui se faisait ici.
Il me manquait un réseau cinéma, des lieux de rencontres, du lien avec les autres professionnels, un agent local, aussi. J’ai mis quelques années à revenir vers l’image, et en attendant, je me suis concentrée sur le théâtre. Il m’a d’ailleurs été beaucoup plus facile de recréer mon réseau dans le spectacle vivant.
De bons castings, finalement, je n’ai commencé à en passer qu’au bout de 2 ou 3 ans, grâce au BAT un peu, mais surtout grâce à Stéphane Chemin. C’est lui qui m’a appelée ».
Le BAT encourage les productions à recruter un directeur de casting local qui pourra ensuite faire appel à des comédiens de la région. Malgré ce travail de mise en réseau qu’effectue le BAT, connaître les bonnes personnes, constituer propre son réseau reste visiblement la clé pour trouver du travail en région. La nouveauté réside dans le développement et le croisement récent des initiatives structurantes. Au niveau régional, La Plateforme, Pôle Cinéma Audiovisuel des Pays de la Loire et l’OPCAL offrent des leviers de rencontres qui permettent une reconnaissance croissante des professionnels. Au niveau départemental et local, Graines d’Images au Mans, Atmosphères 53 à Laval et ADISA à Angers œuvrent au renforcement du maillage et à l’émulation créatrice.
On peut également citer les Ateliers de réalisation organisés conjointement, depuis 2006, par trois associations, ligériennes et bretonnes, de professionnels du cinéma et de l’audiovisuel : ALRT, l’ARBRE et Action Ouest et soutenus par les Régions Bretagne et Pays de la Loire.
En avril 2016, la 5e édition de ce dispositif de formation et de partage de compétences a réuni une quarantaine de réalisateurs, techniciens et comédiens des deux régions autour d’un projet de réalisation de mini-série. Pendant 10 jours, ils se sont installés à Montjean-sur-Loire, en Maine-et-Loire pour tourner, monter et diffuser les 4 épisodes d’une série qui avait elle-même bénéficié d’une résidence d’écriture.
Cet atelier en immersion a permis aux participants de partager leur savoir-faire entre pairs. Mais l’expérience vaut aussi pour les rencontres qui s’y font.
Caroline Ferrus, qui tenait cette année le rôle principal de la série baptisée Le Rosier sentinelle, est ravie de sa participation :
« A ce moment-là, j’avais besoin de faire le point et de savoir où j’en étais. J’avais aussi besoin de développer mon réseau. Et ça a marché à 120% !
J’ai trouvé l’expérience super chouette : on était tous là à la fois pour expérimenter et s’enrichir mutuellement, sans pression ».
Depuis les ateliers, Caroline a régulièrement travaillé avec les professionnels ligériens ou bretons qu’elle y a rencontrés. L’un des réalisateurs de la série a fait appel à elle pour un clip musical, une autre pour un court métrage tourné à Rennes au mois de novembre. Et l’équipe de tournage qui s’est constituée autour de son projet de série musicale comprend un réalisateur, un chef opérateur et un assistant réalisateur, tous rencontrés pendant les ateliers. A leur sujet, elle parle de « coups de foudre professionnels ».
Plus largement, le réseau ligérien semble aussi de mieux en mieux intégrer dans sa toile ceux qui décident de quitter Paris pour venir vivre et travailler à Nantes, Angers ou Le Mans… Ces professionnels qui peuvent, eux aussi, contribuer à une montée en compétence générale en région !
Certains pourront regretter que l’essentiel de l’activité du réseau se concentre sur Nantes. Ceux qui vivent et travaillent loin de la capitale régionale ont souvent le sentiment de ne pas être informés à égalité.
Même s’il a encore du chemin à faire, le réseau des techniciens du cinéma et de l’audiovisuel des Pays de la Loire s’organise et se fortifie. Cette toile, tissée collectivement, devient un levier de plus en plus important et nécessaire dans la structuration et la dynamisation de la filière cinéma en région.
En rayonnant au delà des frontières régionales, elle pourra également devenir un moyen supplémentaire de séduire des productions extérieures. En attendant de gagner en envergure, elle répond aux besoins de rencontres, d’échanges et de co-construction exprimés par les professionnels locaux.
2eME partie – Des améliorations possibles
Se donner les moyens
Selon de nombreux techniciens, le moyen le plus simple pour améliorer le fonctionnement de la filière cinéma en Pays de la Loire serait de commencer à considérer son potentiel économique tout autant que ses qualités techniques, artistiques et culturelles.
En clair : il serait souhaitable que la Région Pays de la Loire ainsi que toutes les autres collectivités soutiennent davantage le développement de l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel.
Le repéreur Yann Le Borgne résume la situation :
« Qui de l’œuf ou de la poule… ? En Pays de la Loire, on a moins de tournages qu’en Bretagne ou en Hauts-de-France, donc on a moins de moyens et moins de professionnels. Ou alors c’est l’inverse… ».
Car plus les tournages augmenteront en région, plus la filière sera dynamique… et plus les retombées économiques seront conséquentes. C’est en tous cas sur cet effet mécanique attendu que la Bretagne et les Hauts-de-France ont basé leurs stratégies les plus récentes. Et dans ces deux régions, on a bien compris qu’en finançant le cinéma, on attire les productions.
En Pays de la Loire une étude d’impact vient d’être réalisée sur ce sujet. Elle confirme l’intérêt qu’il y a pour la Région à soutenir les projets les plus « solides ». Pour 1 € apporté par la Région au titre du fonds d’aide à la création entre 2009 et 2015, en moyenne 3,66 € sont dépensés en région par les productions. Et compte tenu de l’économie des films aidés en 2016, ce ratio sera d’ailleurs très vraisemblablement supérieur.
Ce simple chiffre apporte à lui seul un argument édifiant aux promoteurs d’un plan de soutien financier ambitieux.
De l’avis général des professionnels, il est temps pour la Région de créer un cercle économique vertueux pour la création audiovisuelle et cinématographique. En consacrant des moyens financiers plus importants à la filière, la Région pourrait à la fois soutenir davantage les projets et les entreprises, aider à développer les infrastructures, encourager l’émergence de nouveaux talents, auteurs et réalisateurs régionaux qui, à leur tour, seront plus enclins à embaucher localement.
Aux yeux des professionnels concernés, la question de l’enveloppe budgétaire allouée à la filière cinéma de la région est la condition nécessaire pour mettre en place une stratégie efficace et un développement économique structurant de la filière.
À Nantes, sur le tournage de « 7000 années » produit par Bocalupo Films. A la réalisation Christophe Cognet, à la lumière Virginie Schneider.
Chef opérateur son : Benoit ouvrard. ©Bocalupo Films.
Régler les questions logistiques
S’il est assez difficile de faire le compte des professionnels en région, il est plus simple de faire le tour des institutions qui pilotent et encadrent l’activité de la filière cinéma en Pays de la Loire. La Région a pour mission de gérer les finances et la stratégie, le Bureau d’Accueil des tournages s’occupe des questions opérationnelles.
En quoi consistent exactement les missions du BAT ? Le site de ce service de l’agence de développement économique du Conseil Régional dresse la liste suivante : « Pré-repérages de décors, recherche de techniciens, de comédiens et de figurants, mise en réseau pour l’organisation et les autorisations de tournage, recherche de prestataires, aides logistiques (mise à disposition de bureaux de production, de salles pour des castings…), promotion du territoire ».
La responsable du Bureau d’Accueil des Tournages organise aussi chaque année plusieurs « temps pro » thématiques liés à l’information et la montée en compétence des professionnels de la filière. Elle pourrait donc ajouter « formation continue des professionnels locaux » à la liste de ses missions.
Si elle se déplace le plus souvent là où elle aura des chances de rencontrer producteurs et réalisateurs « prospects » – le Festival de Cannes, le Festival International du Court Métrage de Clermont Ferrand, le Salon des Lieux de Tournages de Paris, etc. – elle passe également une partie de son temps à sillonner les Pays de la Loire. « Gestion des relations avec les différentes collectivités du territoire régional » pourrait également être ajouté à sa fiche de poste.
La liste s’allonge… Ce qui a de quoi agacer François Pichon, le repéreur/régisseur, qui, pour les avoir portés un temps à bout de bras, connaît bien les domaines de compétences du BAT :
« En Bretagne, elles sont trois pour tenir toutes les missions confiées à une seule personne en Pays de la Loire ».
Une anecdote que s’échangent ceux qui fréquentent le milieu de l’accueil des tournages : on raconte qu’en France, le seul BAT qui compte plus de kilomètres carrés à couvrir que celui des Pays de la Loire, c’est celui de la Guyane ! Et lui aussi ne s’appuie que sur une seule personne.
Pas étonnant que le Bureau d’Accueil des Tournages des Pays de la Loire fasse l’objet de critiques de la part des professionnels. Sa responsable, Pauline Le Floch – à qui personne ne jette la pierre – y fait avec les moyens du bord.
Manque de réactivité, de transparence ou de présence sur le terrain, outils limités et vieillissants… La liste des griefs est longue, elle aussi.
Cécile Guillard, monteuse à Angers, a bien compris que ce n’est pas en se rendant dans les bureaux du BAT qu’elle va trouver des pistes d’emploi. De toutes façons, le lieu n’est pas conçu pour recevoir du public :
« Le BAT, c’est un bureau d’accueil des tournages, pas une agence de Pôle emploi pour les techniciens. La plupart d’entre nous en sommes conscients. Après, c’est aussi le lieu où naissent les projets, où les tournages se concrétisent. Et là, il y a une fragilité certaine. Les infos ne passent pas ».
Des outils inutiles et obsolètes ?
Nadège Courant, directrice de production de courts métrages basée en Anjou, se demande comment les techniciens peuvent être réactifs ou force de proposition s’ils ne sont pas informés des projets à venir.
Elle aurait aussi beaucoup à dire sur la Base TAF, l’outil national développé par Filmfrance – la base de donnée qui répertorie les techniciens, artistes et figurants régionaux – ou le « guide pratique des tournages » que l’on trouve sur le site internet du BAT et qui n’a pas été remis à jour depuis 2011. Ces outils pourraient lui être bien utiles mais elle a fini par les écarter :
“Il faut que la base TAF soit plus attractive. Même s’il ne s’agit pas d’une agence pour l’emploi, on sait qu’il y a beaucoup techniciens très compétents qui vivent en Pays de la Loire mais qui n’y sont pas répertoriés car ils travaillent avec leur propre réseau. Ils pourraient aussi être des ressources très intéressantes pour les tournages qui viennent en Pays de la Loire…
Le guide pratique des tournages, lui, n’est pas du tout en phase avec certaines réalités du terrain, et notamment avec l’économie des courts métrages. Il manque aussi certains contacts. Il y aurait besoin de répertorier les cantinières, par exemple. Mais pour le faire, il faut avoir le temps de sillonner le territoire, de traîner dans les milieux associatifs. Mais Pauline n’a pas le temps. Elle ne peut pas tout faire. Clairement, elle n’a pas les moyens de remplir toutes les missions qui lui sont confiées ».
J’en arrive à penser que, puisqu’en général, on n’est pas débordé par les tournages, la Région doit se dire que le BAT n’a pas besoin de moyens supplémentaires. Mais c’est le contraire ! Est-ce que ça changera quand on croulera sous les tournages ? »
Pour faire face à une réalité augmentée – cette promesse que laisse entrevoir une année 2016 « exceptionnelle » en termes de tournages -, il faudrait sans doute revoir le mode opératoire du BAT et le renforcer.
Sans parler de stratégie, le bureau avance déjà dans la bonne direction. Certains dysfonctionnements ont été identifiés et des solutions mises en œuvre.
On commence par exemple à entendre parler d’un nouveau site internet et d’une réactualisation du guide pratique. Ce dernier pourrait s’inspirer de celui utilisé en région Alsace.
Depuis quelques années, le BAT organise chaque année des séances de shooting photo à destinations des comédiens ligériens, pour les aider à constituer des book photo de qualité à présenter lors des castings. Et, un catalogue en ligne des comédiens ligériens est annoncé pour le printemps.
La base Décors de Film France – vieillissante, elle aussi – est en cours de rénovation. Sa refonte devrait être finalisée au printemps 2017. Elle proposera alors de nouvelles fonctionnalités, plus intuitives pour ses usagers.
Et puis, le Bureau d’Accueil des Tournages peut s’appuyer de plus en plus sur La Plateforme, grâce, entre autres services, à l’annuaire participatif des professionnels. Dans un avenir proche, il faudra certainement continuer à consolider ces relations, et mieux répartir les rôles, pour travailler toujours plus en synergie.
Valoriser l’humain
Séduire et convaincre. Le propre du métier de comédien. Il y a, en Pays de la Loire, un vivier d’acteurs et d’actrices qui ne demandent qu’à sortir des salles de théâtre. Ils font partie de la filière cinéma, mais s’y sentent parfois seuls, isolés. Et comme les techniciens, ils se plaignent de cette image qui leur colle à la peau. Caroline Ferrus fait état du ouï-dire :
« Des comédiens de province, ringards et donc pas chers. C’est fou, d’ailleurs, la différence de tarifs entre Paris et la province ! On a parfois l’impression de se brader ».
« Ce qui manque, ici, pour les comédiens, c’est un outil qui leur soit entièrement consacré. Ça pourrait être une agence qui les aide à protéger leurs droits, mais aussi à se mettre en valeur et à faire des bandes démos efficaces. Ça pourrait aussi passer par la formation ou des ateliers de rencontres qui permettent de monter en compétences sur des points bien précis. Peut-être même une école…
Ce qui est sûr, c’est que, dans le coin, il serait temps de s’organiser pour protéger un peu mieux la profession, notamment en ce qui concerne les tournages de publicité, un genre qui explose à Nantes, en ce moment… ».
A défaut de pouvoir fonder une école ou de s’improviser agent, le Bureau d’Accueil des Tournages a organisé, pour la deuxième année consécutive, une journée de formation au casting de fiction, en août dernier, pendant les Ateliers d’Angers. Dix comédiens professionnels de la région ont pu profiter des conseils de David Bertrand, directeur de casting dont le nom apparaît notamment au générique du film Chocolat. Ils étaient plus du double à vouloir s’inscrire à l’atelier… Un succès qui donne la preuve de besoins criants en la matière[4].
Sortir de l’ombre
Et pourtant, les comédiens auraient, eux aussi, des raisons de se réjouir de la bonne santé affichée cette année par le cinéma en région. Stéphane Chemin, le directeur de casting, explique que pour le téléfilm Mon Frère bien aimé, de Denis Malleval, avec Olivier Marchal et Mickael Youn, l’essentiel du casting s’est fait en région : 25 rôles et toute la figuration – plus de 200 personnes – ont été embauchés sur place. Seuls 6 comédiens sont venus de Paris.
« Pour moi, d’ailleurs, ça a été une occasion de découvrir des talents locaux ! »
Il ajoute que les productions s’y retrouvent aussi. Le bouche à oreille fonctionne et crée une nouvelle dynamique. En début d’année, l’équipe du Sang de la Vigne a eu des échos positifs du tournage de Denis Malleval. Elle s’est donc, elle aussi, décidé à caster en région. L’équipe parisienne a fini par embaucher une quinzaine de comédiens locaux, parmi lesquels une jeune actrice nantaise, Morgane Maisonneuve, qui a interprété l’un des rôles principaux de l’épisode.
Se voir confier des rôles importants sur des films d’envergure : voilà encore de quoi faire rêver les techniciens régionaux. Parce qu’à les entendre, ce type de proposition est rare… Trop souvent, on les relègue aux postes secondaires.
Adrien Coché prend un exemple parmi les tournages de cette année :
« Pour Prof T, c’est la grosse artillerie parisienne qui a débarqué à Nantes. Des régionaux dans l’équipe, à ma connaissance, sur les gros postes, il n’y en avait que deux, le régisseur et le directeur de casting. Ça ne pèse pas lourd… »
Claude Azoulay, le directeur de production de la série confirme : il a cherché en priorité des « techniciens habitués à ce genre de tournage » et a donc décidé de prendre « ceux avec qui {il} a bossé sur une base longue, ceux qui travaillent aussi à Paris ».
Le problème, c’est que cet exemple est assez emblématique de l’ensemble des tournages de films ou de séries qui prennent la région pour décor. Quand on lui demande des contacts, la chef-décoratrice Aurore Casalis se surprend presque à faire de l’autocensure. Elle ne comprend que trop bien les besoins et expectatives des producteurs extérieurs.
« C’est dur de leur vendre des locaux ! Ils ne nous connaissent pas forcément, regardent nos CV et il y a toujours ce même truc qui les gêne : le côté « touche-à-tout ». Ils veulent des rippers, des constructeurs, des peintres en déco spécialisés dans le cinéma. Mais ici, les profils professionnels sont trop pluriels. Ils nous le disent.
C’est un peu le serpent qui se mord la queue. Parce que s’ils ne prennent pas de risques, ils finissent par nous embaucher à des petits postes et à faire venir leurs équipes d’ailleurs. Et nous, comme on a d’autres réseaux, on travaille ailleurs”.
Une politique de “quotas” ?
Comment remédier à ce problème d’embauche ? Comment briser ce cercle vicieux ? Faut-il que la Région encourage les productions à jouer le jeu de l’embauche locale ?
Elle le fait déjà. Guylaine Hass, chargée de programme Cinéma Audiovisuel du Conseil Régional dit suivre chaque dossier aidé par le fonds d’aide et négocier une part de contrats locaux avec toutes les productions. Alors comment aller plus loin ? En mettant en place une politique de « quotas » ?
Parmi le petit panel de techniciens interrogés, aucun ne semble trouver l’idée séduisante. Parce que, comme le rappelle Stéphane Chemin, tout le monde est conscient que « faire un bon film, c’est compliqué » et que tout doit concourir à faire prendre la mayonnaise… Il y a des ingrédients indispensables et d’autres qui le sont moins. Yann Le Borgne le rejoint sur ce point :
« La production d’un film, c’est un projet qui nécessite les meilleurs techniciens possibles. Il faut l’accepter. Et ce n’est pas parce qu’une Région donne un peu d’argent que les productions peuvent se permettre d’écarter des gens compétents, juste parce qu’ils ne rentrent pas dans les profils attendus. Ça peut casser une dynamique ».
En attendant qu’un meilleur équilibre soit trouvé, les professionnels du cinéma continuent d’enrichir leur carnet d’adresse personnel… à l’échelle nationale. Car ils savent bien que c’est d’abord grâce au relationnel – parce qu’ils connaissent tel réalisateur, directeur de production ou repéreur – qu’ils vont, non seulement être informés des tournages en préparation mais aussi avoir une chance de séduire. Leur seul CV sur la base TAF du BAT ne suffit pas.
Pour inspirer confiance aux productions extérieures, comme l’a déjà dit Yann Le Borgne, l’important est de ne pas oublier qu’un « technicien qui rassure, c’est un technicien qui travaille ». Convaincre de ses compétences et saisir toutes les occasions de les améliorer est le meilleur moyen de se vendre.
De la question des compétences découle celle de la formation. Sur ce point-là encore, les professionnels ont à redire et aimeraient pouvoir bénéficier d’une politique plus favorable.
Ils ont sans doute tous noté que, sur cette problématique, La Plateforme et le Bureau d’Accueil des Tournages ont tous deux engagés des démarches, en lien avec l’AFDAS, l’interlocuteur naturel des intermittents du spectacle pour ce qui concerne la formation continue.
Les offres d’ateliers thématiques et de formation par les pairs se font de plus en plus nombreuses. Les incitations à la formation continue, aussi.
Depuis la mi-novembre, La Plateforme met en place, en partenariat avec l’AFDAS, des permanences mensuelles, à La Centrale, pour informer sur l’accès à la formation continue et les financements possibles. Et le 1er décembre dernier, elle a organisé un Forum sur la Formation Continue avec différents organismes partenaires. Priorité affichée de l’association : répondre à des besoins spécifiques et permettre aux professionnels de gagner en savoir-faire : tout ce qui pourra leur donner des chances de monter en compétence pour se positionner sur les productions les plus sérieuses.
Certains aimeraient également avoir la possibilité d’aller voir ailleurs comment ça se passe. C’est le cas de la productrice Estelle Robin-You, productrice en région au sein des Films du Balibari. Elle dit avoir l’impression de tenir depuis des années le même discours :
« J’aimerais avoir plus d’opportunités d’aller échanger avec mes homologues, pour analyser ce qui marche ou pas dans les autres régions ».
Elle pense aussi que tous ceux qui travaillent en Pays de la Loire devraient pouvoir aller chercher l’inspiration là où les modèles sont payants. Et que les dispositifs les aidant à le faire devraient être plus nombreux.
Vient enfin la question de la formation des « générations futures », parce qu’en cinéma, comme ailleurs, rien ne vaut la pratique pour apprendre son métier. Or, ici aussi, on notera quelques points de blocages. Notamment avec l’école de cinéma de Nantes, Cinécréatis.
Nadège Courant s’en fait la remarque :
Cinécréatis, c’est une très bonne formation. Mais une fois diplômés, ils partent tous bosser sur Paris. On n’arrive pas à les garder ici. Alors, ça sert à quoi d’encourager la formation sur un territoire si ensuite ils n’y trouvent aucun débouché professionnel ? »
Stéphane Chemin a un problème beaucoup plus pratique :
« Former des techniciens régie ? A Cinécréatis, on n’arrive même pas à débaucher des stagiaires. Quand on tourne, ils ont cours ! Alors on finit par aller chercher ailleurs, du côté des salles de spectacle, de ceux qui apprennent sur le tas ou qui galèrent une fois leur diplôme en poche… »
Et si l’on ajoute que, pour tout professionnel expérimenté en manque de travail, la formation des nouveaux est une prise de risque et une concurrence potentielle, on comprend mieux le manque d’enthousiasme de certains. Mais Stéphane Chemin refuse de voir les choses de cette façon. Il parie sur un avenir prometteur :
« Si on est amené à travailler dans les années à venir comme on l’a fait cette année, il faudra former du monde et se partager le travail. Sortir d’une école, c’est une chose. Mais rien ne vaut l’expérience de terrain, qui forme à tous les cas de figure ».
Renforcer les infrastructures
Pour savoir comment améliorer les infrastructures techniques présentes sur le territoire, il faudrait procéder à un état des lieux exhaustif. Mission aussi nécessaire que fastidieuse ! Mais les professionnels extérieurs qui ont eu l’occasion de tourner en Pays de la Loire peuvent aider.
Après plusieurs semaines de tournage printanier, à Nantes, Claude Azoulay, le directeur de production de Prof T est en mesure d’établir à ce premier constat :
« On a essayé de prendre sur place tout ce qu’on pouvait. Mais, globalement, la filière n’est pas encore assez structurée. Alors on a bossé avec ceux avec qui nous sommes habitués à bosser à Paris, tout en prenant le plus de renforts ponctuels possible à Nantes. On n’a pas trouvé de convoyeurs, de gardiens, de loges mobiles ou de cantines. Alors on a fait venir tout ça de Paris.
Mais, on serait preneurs, et notamment de prestataires qui proposent une approche globale. La gestion de tous ces aspects logistiques peut parfois être délicate… Alors on préfère les confier à des entreprises spécialisées ».
Une gamme de services « tout compris » ? La région n’est pas encore en mesure de proposer une telle offre.
Elle est aussi plutôt pauvre en matériel. Elle ne compte ni plateau permettant d’accueillir des tournages conséquents, ni gros loueur spécialisé dans le cinéma. Pas même une représentation de France 3 Cinéma.
Matériel lumière et caméra, prestations techniques, décors, costumes… C’est pourtant tout cela qui permet à d’autres régions de tirer leur épingle du jeu, d’attirer et de faire gagner à la fois temps et argent aux productions. Et par la même occasion, de créer un écosystème local.
L’administratrice de production, Nadège Courant, prend quelques exemples parmi ses expériences variées. Elle témoigne des effets positifs que certaines offres de prestations peuvent avoir sur l’ensemble de la filière :
« J’ai travaillé sur une série à Lyon l’an dernier. Ils en étaient à la deuxième ou troisième saison. Ils avaient le tournage de A à Z. Le studio était installé dans un entrepôt loué à l’année. Certes, le matériel venait de Paris mais, à part la postproduction, tout a été fait à Lyon.
L’équipe était en place depuis 3 ans et s’était habituée à la vie lyonnaise. C’est l’activité qui décide les gens à poser leurs valises ici ou là… Et qui les fait rester. Il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé à Marseille grâce à la série « Plus Belle la Vie ».
(…)
« J’ai aussi fait pas mal de direction de production en Ardèche, à Lussas. Là-bas, les vieux briscards défendent vraiment la production en région. Ils sont derrière leurs troupes. A force, ils ont réussi à monter toute la chaîne de production sur leur territoire. Ils sont assez fiers de ne plus rien avoir à faire à Paris. ».
On pourra tout de même signaler qu’en région – à Nantes -, on compte au moins une société de location qui met à disposition le matériel nécessaire aux différentes étapes de fabrication d’un film, du tournage à la postproduction. Sa création a d’ailleurs été soutenue par la Région. 1 seule société, c’est un peu maigre pour un territoire de 32 000 kilomètres carrés. Mais elle a le mérite d’exister.
Les Docks du film a été monté en 2014 par une petite équipe de professionnels du cinéma et de l’audiovisuel dans l’optique de proposer une gamme complète de prestations du tournage à la post-production. Au fur et à mesure de l’évolution du parc matériel, l’objectif est de s’attaquer aux gros projets de fiction. Le site de la Plateforme recense d’autres prestataires techniques implantés en Pays de la Loire qui louent eux aussi du matériel mais se spécialisent sur un des maillons de la chaîne de fabrication d’un film.
Les Docks du film fournissaient les bijoutes électro et machino pour Goliath, le court métrage de Loïc Barché,
produit par Punchline Cinéma, tourné en 2015 aux Sables d’Olonnes. ©Les Docks du Film.
A défaut de pouvoir proposer un « service complet » aux sociétés de productions locales ou extérieures, certains, comme Stéphane Chemin, aimeraient voir se développer en région – et avec l’aide des collectivités – d’autres leviers qui rassureront les porteurs de projets sur ce qu’ils peuvent trouver sur le terrain.
« Il faut les aider sur les questions de logistique : des espaces de parkings, de stockage, des bureaux de production temporaires, etc. Il ne faut pas que ces productions aient la possibilité de penser à un instant que tourner à Nantes, ça va être un enfer. Et qu’en plus, ça va être plus cher qu’à Paris ! ».
Des bureaux de productions temporaires ? L’idée revient souvent. Le problème serait d’identifier en temps et en heure de tels locaux sur le territoire – vaste – des Pays de la Loire. Sur ce point, il y a les « pour » et les « contre ». Le repéreur Yann Le Borgne est assez dubitatif :
« Des locaux permanents ne seront jamais adaptés aux équipes. 20 personnes ou 80 personnes, ça demande des moyens différents. On n’arrivera jamais à trouver des espaces qui pourront satisfaire tout le monde…
Ce qui peut servir par contre, c’est que sur Nantes Métropole, par exemple, on puisse systématiquement accéder à des infos à jour, provenant des services de communication, de l’urbanisme ou même de la Chambre de Commerce, sur des espaces en transition.
Identifier les bons interlocuteurs, ça permet de gagner du temps : savoir quelle entreprise a déménagé, quels locaux industriels sont libres et pendant combien de temps, etc. ».
Simplifier les échanges avec les institutions – jusqu’à peut-être pouvoir proposer un interlocuteur unique -, rester dans des gammes de prix qui feront concurrence aux tarifs parisiens et… le faire savoir. Voilà quelques préconisations simples des professionnels.
A chacune des différentes instances en mesure de favoriser le développement de la filière cinéma en Pays de la Loire de les prendre en considération.
Aider les entreprises
Du côté des structures de productions, il faudrait pouvoir faire de même pour porter, en interne, des projets de fiction de plus en plus ambitieux.
Estelle Robin-You se désole que depuis le temps que le fonds d’aide soutient le développement et la production de courts et de longs métrages, si peu de sociétés spécialisées dans la fiction se soient installées en Pays de la Loire.
Sans doute, commente la productrice, manque t’il ici les conditions structurantes qui permettraient d’accueillir l’implantation de nouvelles entreprises. Elle pense également que seul le Conseil Régional est en mesure de créer les conditions nécessaires pour développer l’activité.
Avec Camille Chandellier (La Petite Prod), Estelle Robin You milite activement pour la création d’une « aide aux structures de production », comme celui mis en place par Ciclic en région Centre Val-de-Loire :
« C’est un autre pilier sur lequel s’appuyer, très différent du fonds de soutien aux films. Il permettrait à certaines boîtes implantées localement de passer des caps, sur des stratégies de développement données, comme celle de passer du court au long métrage par exemple.
Se restructurer, changer de stratégie, ça prend du temps. Par le passé, plusieurs sociétés de production locales, dont la mienne, se sont retrouvées dans des situations difficiles. Nous, pour nous en sortir, il nous a fallu nous associer avec une autre boîte, parisienne, beaucoup plus solide et avec laquelle on avait des affinités. Aujourd’hui, on s’en est sorti. Mais je ne peux pas dire que ce soit grâce à la Région ».
Gagner en visibilité
La dernière piste d’amélioration évoquée par les professionnels de la filière apparaît sans doute en filigrane dans l’ensemble de ce dossier. Elle concerne la communication. En interne, à l’externe, au sein des pairs et à destination des décisionnaires… À tous les niveaux, les informations doivent passer. Oserait-on rappeler ici que la communication est un outil essentiel au développement de n’importe quelle activité, un facteur de compréhension et de motivation ? Or, en région, globalement, il y a beaucoup d’efforts à faire en la matière.
Sur le sujet, les témoignages sont aussi divers que les expériences de leurs représentants. La comédienne Caroline Ferrus mentionne par exemple les informations provenant du Bureau d’Accueil des Tournages, source on ne peut plus importante pour son activité :
« Je ne m’y retrouve pas toujours. Il est dit beaucoup de choses dans les mails que l’on reçoit, mais c’est souvent un peu confus. Pas assez “punchy”. Dernièrement, les choses ont eu l’air d’évoluer de ce côté, mais longtemps j’ai trouvé qu’il y avait trop peu d’annonces de castings ».
Claude Azoulay, le directeur de production de Prof T. dépeint ses premières prises de contact au moment de la préparation du tournage de la série :
« Même si je peux dire qu’on a été très bien accueillis, on a eu l’impression au début, non pas d’une réticence, mais d’une certaine appréhension par rapport à l’ampleur du projet. Le sentiment, aussi, d’un manque d’habitude des tournages, notamment du public. Après discussion, heureusement, les portes se sont ouvertes ».
Il raconte, qu’un jour, son repéreur a laissé un mot dans la boîte aux lettres d’une maison qui intéressait l’équipe de tournage. La propriétaire de la maison a appelé la Mairie de Nantes pour vérifier qu’il ne s’agissait pas d’une arnaque. Tout est rentré dans l’ordre après confirmation du tournage par les services municipaux. La propriétaire a accepté d’accueillir le tournage. L’anecdote prouve le chemin encore à parcourir pour que les tournages de fiction fassent partie de l’ordinaire des ligériens.
Mais si la démarche des repéreurs peut encore surprendre ici ou là, les portes s’ouvrent aujourd’hui de plus en plus facilement… Quand les professionnels savent faire preuve de patience et de diplomatie.
C’est ce à quoi s’attache Nadège Courant. Pour elle, il est absolument nécessaire de communiquer et d’informer davantage les publics sur les tournages. Elle s’inspirerait presque de Pierre Rabhi et de la légende du colibri : chacun peut faire sa part. A son « petit niveau », la directrice de production de courts métrages a l’impression de faire du lobbying et de la pédagogie dès qu’elle en a l’occasion : auprès des interlocuteurs locaux, des propriétaires de décors, des voisins, des élus, des associations… A tous, elle explique le métier et ses contraintes. Pour elle, c’est un “devoir” de privilégier ces temps de rencontre et d’associer tous ces gens aux projets. Car en se sentant faire “partie de l’aventure”, ils deviennent ensuite, eux aussi, des relais de communication à l’échelle locale.
Elle exprime un regret :
“ Les gens de la région n’ont pas assez l’occasion de voir les films faits en région. Il y a pourtant des tas de cinémas – associatifs ou non – qui seraient prêts à recevoir des programmes de court métrages faits ici”.
Elle dit aussi qu’il est essentiel de profiter des moments de tournage pour communiquer plus largement :
« La relation au journaliste doit se bosser. Il faut absolument promouvoir le si peu de tournages qu’on a en région, parler des retombées économiques des hébergements, des salaires, de la mise en valeur des décors et des paysages… »
Ce que maîtrise très bien l’équipe du bureau d’Accueil des Tournages en Bretagne. La mission financée par la Région Bretagne semble même avoir trouvé un interlocuteur média privilégié : Ouest-France ne passe pas un mois sans publier un article sur la filière cinéma. Un exemple à suivre ?
Yann Le Borgne ajoute :
« J’ai travaillé à Nantes sur une pub pour la nouvelle Twingo. De France ou d’ailleurs, tous les journalistes spécialisés étaient venus à Nantes tester le nouveau modèle. De mémoire, ils sont restés un mois… Ça aussi, c’était une opportunité à saisir ».
Mieux communiquer sur les films tournés en région
Même si les techniciens sont conscients des difficultés de l’exercice de communication autour des tournages – de la réticence des productions qui ne souhaitent pas « être assaillies de coups de fil », du respect du droit à l’image de certains comédiens ou de l’ambiance studieuse qu’eux-mêmes souhaitent voir préserver sur les plateaux – ils votent « pour », à l’unanimité.
Pour Stéphane Chemin, cela revient à utiliser le fonds de soutien à la création cinématographique pour aider des films d’envergure, capables de porter des dispositifs de communication solides :
« Appuyer une ou deux grosses productions par an, ça peut permettre de dire qu’on est partenaire et faire parler de soi ».
Yann Le Borgne reprend l’exemple de Baron Noir, la série de Canal +. La ville de Dunkerque – où a eu lieu la moitié des tournages – a « mis des moyens dans la production ». Elle a ensuite organisé son plan de com’ : avant-première, rencontres avec Kad Merad, etc. La ville a fait en sorte de profiter de retombées médiatiques dépassant largement la zone de couverture de la Voix du Nord.
Yann Le Borgne pousse la réflexion plus loin :
« Il faut comprendre que ce sont les gros films qui amènent de la visibilité. Après, rien n’empêche la région de soutenir des films d’auteur. Mais alors, il faut mener une réflexion sur la façon dont ces films sont accompagnés et les accompagner jusqu’au bout : accompagnement à la diffusion, dispositif d’éducation à l’image, etc. Plus les films sont fragiles, plus il faut les accompagner.
Il faut aussi que ces films aient des retombées pour le territoire, soit qu’ils le mettent en valeur, soit qu’ils véhiculent des valeurs partagées, soient qu’ils permettent des retombées économiques ».
François Pichon arguera que pour la série Prof T, la Région a investi 75 000 € en aide à la production. De quoi justifier un petit « coup de projecteur »…
En comptant les dépenses de régie, d’hébergement, de restauration et de location de véhicules la production a dépensé environ 200 000 € de frais sur Nantes, au-delà des embauches. « Ces sommes devraient être valorisées ». Pourtant, en matière de couverture médiatique de l’événement, on pourrait presque parler de hasard. François Pichon raconte ce qu’il à quoi il a assisté :
« Presse-Océan et Ouest-France sont venus… Parce qu’ils avaient vu nos camions dans les rues. Ni la mairie, ni la Région n’avaient pensé à les appeler ».
La vidéo produite par le journaliste de Ouest France à l’occasion du tournage de Prof T a été diffusée sur le site du quotidien. Fin décembre, elle comptait presque 1900 vues…
Quand on sait qu’en moyenne, un épisode du Sang de la Vigne – diffusé le samedi soir, sur France 3 – attire entre 2,5 et 4 millions de téléspectateurs, on peut imaginer des façons d’en tirer quelques lauriers. Rien de tel qu’une diffusion télé pour servir l’image de marque d’un territoire sur un plateau.
Du côté de la Région, on souligne qu’un travail important est mené, mais il semble être mal connu des professionnels : en contrepartie de l’aide régionale, des avant-premières des films soutenus sont organisées en région, auxquelles sont invités les techniciens ayant participé aux tournages. La Région et le BAT privilégient effectivement la communication en amont des tournages, pour les préparer (recherche de décors, casting) ou lors de la diffusion des films soutenus ou de leur sortie. Notamment pour le court métrage, elle participe à l’organisation de séances spéciales dans le cadre de tous les festivals du territoire proposant des œuvres contemporaines. Enfin, elle fait réaliser, sur certains tournages, de courts making of appréciés du grand public.
Surfer sur la vague
Encouragées par le Centre national du cinéma et de l’image animée, les chaînes de télévision développent de plus en plus la production de fiction. Elles n’hésitent plus à coproduire des séries françaises à fort potentiel d’audience.
Pour les Pays de la Loire, c’est une opportunité de développer son industrie et d’accueillir des projets qui mettent leurs villes et leurs campagnes en position d’acteurs.
Saint-Nazaire a, paraît-il, la côte ! La ville correspond à la tendance du moment. La mode du film noir a succédé à celle des films d’époque qui, ces dernières années, a redonné vie aux châteaux de la Loire… Et donné envie aux touristes de les redécouvrir.
Cette année, l’activité cinématographique en région a prouvé qu’une nouvelle dynamique était en train de se mettre en place. Et que des tournages simultanés – comme pour Prof T et le Sang de la Vigne – pouvaient s’appuyer sur les techniciens et comédiens régionaux.
Il serait donc dommage, et peut-être surprenant, qu’en 2017, le nombre de tournages en région ne continue pas d’augmenter. Mais pour profiter des éventuelles retombées, il faudra que le territoire continue de développer ses capacités d’accueil.
Prof T sera diffusé prochainement sur TF1. Si la série réussit à rencontrer son public, une deuxième saison sera mise en route. Claude Azoulay et son équipe reviendront à Nantes tourner la suite du programme :
« Et tout ce qu’on a défriché cette année permettra de faciliter les choses».
Il ajoute :
« Délocaliser plus de projets de Paris, c’est possible. Ca se fait sur Lille, Lyon, Marseille ou Bordeaux… Là où les techniciens sont habitués à ce genre de tournages ».
Si enfin, comme d’autres séries avant elle, Prof T devient culte, les nantais seront fiers que leur ville soit mise sous le feu des projecteurs.
Qui dans la région a oublié qu’en d’autres temps, Jacques Demy s’est attaché à filmer la ville de son enfance, que Jacques Tati a choisi une plage de Saint-Marc-sur-Mer pour tourner Les Vacances de Monsieur Hulot ou que Jean Loup Hubert s’est installé à Trentemoult pour tourner sa Reine Blanche ? Ces décors sont devenus des emblèmes. Et il y a, en Pays de la Loire, une multitude d’autres trésors à dévoiler aux yeux d’un public qui accorde toujours plus d’importance et de temps à l’image. Habitués à vivre dans la région, les professionnels du cinéma ont repéré ces décors variés qui attendent de connaître la renommée. Et de leur ancrage régional, plutôt qu’une faiblesse, ils veulent faire une force.
Charlotte Blanchet
[1] 10 jours de tournage à Noirmoutier selon le BAT.
[2] Cf. : Les Études du CNC – « La production cinématographique et audiovisuelle en région – Juin 2016 »
[3] Random a sollicité la Région, qui a soutenu le développement et la production de la saison 2, dans l’idée d’accompagner ces jeunes professionnels vers une logique de production plus classique.
[4] Organisée par la Plateforme et le BAT, une réunion d’information sur le casting aura lieu le 17 mars au cinéma Bonne Garde.
Photo à la une : Vincent Quéré, tournage du court métrage ‘Goliath’ de Loïc Barché. Prod Punchline Cinéma / ©Les Docks du Film.